Pourquoi Chanel a augmenté le prix d’un sac de près de 2000 euros en seulement quelques mois
Pour maintenir la désirabilité et la rareté de leurs produits, les marques de luxe augmentent les prix. Rien d’étonnant, donc, à ce que Chanel augmente le prix de l’un de ses sacs à deux reprises en quelques mois seulement.
En un mois, le prix du modèle “petit sac classique” de Chanel a augmenté de 1000 euros, passant de 6300 euros fin septembre à 7300 euros aujourd’hui.
Sur le papier, cette augmentation de +16% est suprenante car bien supérieure à celle de l’inflation, surtout quand l’on considère que ce même modèle était vendu “seulement” 5500 euros cet été, soit 33% de moins. La hausse de prix a été repérée par May Berthelot, responsable de la lutte anti-contrefaçon chez Videdressing et Leboncoin.
En réalité, le prix des sacs de luxe augmente régulièrement. Il se dit même que certains célèbres “it-bags”, devenus des incontournables de la maroquinerie haut-de-gamme, auraient pris jusqu’à 70% de leur valeur initiale depuis la date de leur création. Celui de l’iconique Birkin de Hermès n’a ainsi jamais cessé d’augmenter en près de 40 ans. Résultat, les sacs de luxe, tout comme les montres, sont devenus des placements financiers à part entière.
Le 3 novembre 2021, le “petit sac classique” Chanel était vendu 7300 euros © Chanel
Archive web datant du 28 septembre 2021 © Wayback Machine
Chanel n’est bien sûr pas la seule marque à augmenter ses prix. Yves Saint Laurent a par exemple fait bondir celui de son modèle “Loulou small” en cuir matelassé de près de 10% (de 1690 euros à 1850 euros), relaie May Berthelot sur son compte Instagram.
“Le pire pour un produit de luxe, c’est la banalisation”
“Ca n’a rien d’étonnant. Chanel a dû s’apercevoir que ce sac était trop vendu. A partir du moment où un produit devient trop accessible, les marques de luxe augmentent le prix pour éviter qu’il ne se banalise”, explique Delphine Dion, professeure à l’Essec Business School.
Car “le pire pour un produit de luxe, c’est la banalisation”, assure-t-elle. Selon la professeure, le luxe répond à la logique inverse de celle du mass market.
“C’est ce qu’on appelle des biens Veblen, du nom du sociologue économiste qui a théorisé cet effet. Cela signifie que plus leur prix augmente, plus la demande augmente. Contrairement aux produits classiques pour lesquels la hausse de prix fait chuter la demande”, détaille Delphine Dion.
Des augmentations sans rapport avec la crise sanitaire
Rien à voir donc avec l’augmentation du prix des matières premières due à la reprise économique après la crise ou avec des problèmes sur la chaîne d’approvisionnement.
“Même s’il y a sûrement des problèmes d’approvisionnement, cela ne motive pas une telle augmentation”, poursuit Delphine Dion, interrogée sur le prix du “petit sac classique” de Chanel, gonflé de 1800 euros en quelques mois.
De son côté, Chanel interrogé par BFM Business explique cette hausse des prix constatés autrement: “Comme toutes les grandes marques de luxe, nous ajustons régulièrement nos prix pour tenir compte de l’évolution de nos coûts de production et des prix des matières premières, ainsi que des fluctuations des taux de change.
Conformément aux engagements pris en matière d’harmonisation des prix, ces ajustements sont réalisés en veillant à ce qu’il n’y ait pas d’écart de prix trop important entre les différents marchés où la Marque est présente/disponible”.
Pendant la crise du Covid, plusieurs marques de luxe ont réhaussé leurs prix. Louis Vuitton avait ainsi augmenté ses prix de 8% en moyenne sur ses principaux marchés, révélait Challenges. Une manière d’augmenter la marge permettant de compenser la baisse du volume de ventes.
En réalité, le luxe n’a pas vraiment connu la crise. En 2020, les actions Hermès bondissaient de 32%, signant la meilleure performance annuelle du CAC 40, avec un bénéfice net de 1,174 milliard d’euros sur le premier semestre de 2021, en progression de 56% par rapport à 2019.
En juillet 2021, LVMH annonçait un bénéfice net de 5,3 milliards, en hausse de 64% comparé à l’avant crise. Dans la foulée, son concurrent historique Kering communiquait lui aussi un niveau record de ventes à 8 milliards d’euros pour la première moitié de l’année, soit +8,4% par rapport à l’avant Covid.
En somme, la hausse des prix comme moyen de maintenir la désirabilité d’un produit est une pratique courante pour l’industrie du luxe mais que ne peuvent se permettre que des marques dont la clientèle ne se rendra pas compte de la hausse des prix, ou qui ne s’en plaindra pas.